Quels leviers d’adaptation pour les AOC du Val de Loire ?
1. Introduction et expérimentation de nouveaux cépages
Historiquement, le Val de Loire s’est dessiné autour de cépages emblématiques : Chenin, Sauvignon, Melon de Bourgogne, Cabernet franc, Grolleau…. Or, ces variétés, bien que profondes dans leur lien au territoire, révèlent aujourd’hui des failles face à la sécheresse ou aux excès de chaleur. Ainsi, un vaste chantier est en marche :
- Expérimentation de cépages résistants ou plus tardifs : depuis 2021, plusieurs AOC ligériennes ont déposé des demandes auprès de l’INAO pour introduire à titre expérimental des cépages venant du sud, voire d’origine étrangère. Parmi les variétés testées : Touriga Nacional, Castets, Marselan, Petit Manseng, mais aussi Vidoc ou Floréal, résistants aux maladies et adaptés à la chaleur (source : La Vigne, Revue des Œnologues).
- Objectif : garantir la fraîcheur, le faible degré alcoolique et l’équilibre aromatique qui font la signature du Val de Loire.
- Encépagements révisés : certains cahiers des charges assouplissent leur liste officielle de cépages autorisés en prévision des prochaines décennies. Exemple : le décret du 1er février 2024 autorise, à titre expérimental, six nouveaux cépages dans le Muscadet (source : Vitisphere).
2. Assouplissement des dates de vendange et des degrés minimum
Les dates officielles d’ouverture des vendanges, traditionnellement fixées pour chaque appellation, se voient repoussées ou anticipées en fonction des seuils de maturité et d’équilibre. Les syndicats viticoles revendiquent davantage de flexibilité, permettant d’intervenir au plus juste, pour préserver l’acidité du raisin, éviter la surmaturation. Plusieurs AOC discutent aussi d’une révision à la baisse des degrés minimum d’alcool autorisé, face à la montée naturelle des sucres.
3. Evolution des pratiques viticoles : densité, irrigation, conduite de la vigne
Si la liste des cépages évolue, la manière de cultiver la vigne aussi :
- Diminution de la densité de plantation : en Muscadet, la réduction de la densité minimale par hectare est à l’étude pour mieux gérer les ressources hydriques et la concurrence entre les pieds de vigne.
- Autorisation ponctuelle d’irrigation : jusque-là interdite dans la majorité des AOC, l’irrigation raisonnée fait débat. L’INAO autorise depuis peu des tests encadrés lors de sécheresses extrêmes, notamment pour les jeunes plantations.
- Adaptation de la gestion du couvert végétal : le retour à l’enherbement, la tonte raisonnée ou l’implantation de haies répondent au besoin de préserver l’humidité et de limiter l’érosion des sols.
- Évolution de la taille et de la conduite : orientation des rangs, hauteur de feuillage, taille plus précoce ou plus tardive selon les années sont ajustées pour limiter le stress hydrique et ralentir la maturité.
4. Adaptations œnologiques et style des vins
Au chai aussi, la réflexion s’aiguise. En 2022, à l’occasion du colloque “Le vin face au changement climatique” à Saumur, il est ressorti que l’équilibre aromatique – fraîcheur, acidité, tension – qui caractérise les blancs ligériens ou la finesse des rouges, devient plus difficile à préserver.
- Utilisation de levures adaptées : sélectionnées pour consommer moins de sucre, produisant moins d’alcool.
- Recherche de nouvelles techniques d’extraction pour les rouges afin de limiter la surconcentration.
- Pistes autour de la désalcoolisation partielle, encore en phase d’expérimentation, mais déjà pratiquée sporadiquement dans les millésimes les plus chauds.
Le style ligérien évolue, tout en cherchant à préserver son identité.