Avant de plonger dans la mosaïque des cépages cultivés au Domaine Goyer, un détour géographique s'impose. Châteaumeillant, épicentre de l’AOC du même nom depuis 2010 (Source : Syndicat des Vins de Châteaumeillant), compte aujourd’hui environ 90 hectares plantés, et fait partie de ce chapelet d’appellations ligériennes dites “satellites”, à mi-chemin entre influences atlantiques et terres berrichonnes.
Ce territoire offre une curiosité en France : il conduit probablement l’un des vignobles AOC parmi les plus méridionaux du Val de Loire, tout en portant une tradition remontant à l’époque gallo-romaine, puis relayée par les moines bénédictins qui, dès le Xe siècle, tiraient le meilleur de ces “terres maigres” mêlant sable, argile, et gravier.
S'il fallait résumer la singularité des vins de Châteaumeillant, et à fortiori ceux du Domaine Goyer, deux couleurs s’imposent : le rouge et surtout le fameux “vin gris”, un rosé pâle qui fait écho à l'identité berrichonne. Ce profil résulte directement de la nature des cépages autorisés à l’AOC et de leur symbiose avec ce terroir marquant.
Le Domaine Goyer, parmi les références du secteur, cultive fidèlement les cépages historiques de l’appellation. Deux noms dominent :
Regardons de plus près ce qui fait la force, la délicatesse et la spécificité de chacun, tels que travaillés sur les parcelles du domaine.
Majoritaire sur les 13 hectares du Domaine Goyer (Source : Domaine Goyer), le Gamay noir à jus blanc incarne l’âme du vin local. Sur l’ensemble de l’AOC Châteaumeillant, il représente environ 85 % de l’encépagement. C’est ce même Gamay enjoué qui séduit ailleurs à Beaujolais ou en Touraine, mais ici il exprime une fraîcheur très spécifique liée au climat plus continental et aux sols pauvres.
À Châteaumeillant, le Pinot noir complète le Gamay avec discrétion : il ne peut excéder 40 % dans le vin fini selon le cahier des charges de l’appellation (Source : INAO). Le Domaine Goyer bénéficie ici de vieilles vignes et veille à des rendements modérés, gage d’une expression concentrée et soyeuse.
Le strict respect du cahier des charges de l’appellation Châteaumeillant explique pourquoi, au Domaine Goyer comme chez la plupart des propriétés, aucun autre cépage n’est cultivé à ce jour à vocation de vin AOC. L’introduction d’un troisième cépage n’est pas autorisée, et toute diversification se ferait soit pour des essais confidentiels, soit pour des vins de France en quantités dérisoires, hors communication officielle du domaine.
Il existe toutefois dans le passé une tradition multiséculaire de polyculture sur ces terres. Autrefois, des cépages oubliés comme le Menu Pineau ou le Gamay teinturier côtoyaient les ceps modernes. Mais leur place a totalement disparu, faute d’adaptation qualitative ou réglementaire.
Sur ses coteaux, le Domaine Goyer applique une conduite en lutte raisonnée, limitant au maximum interventions chimiques et productivisme (Syndicat AOC Châteaumeillant). L'accent est mis sur :
Ce soin du détail donne des vins sincères, reflets revendiqués des nuances de terroir : chaque parcelle, y compris chez Goyer, voit ses raisins vinifiés séparément avant l’assemblage final. Une démarche rare pour une petite appellation, imposant au chai une lecture sensible du millésime.
Connu pour sa précocité et sa capacité d’adaptation, le Gamay a été introduit ici dès le Moyen Âge, alors que les marchands berrichons commerçaient vivement avec Paris. Une anecdote locale : en 1395, le duc de Bourgogne ordonne l’arrachage du Gamay “mauvais et déloyal” sur ses terres… poussant involontairement le cépage à migrer vers ces terres berrichonnes (Revue du Vin de France). Ironie de l’histoire, c’est lui qui structure aujourd’hui l’ensemble du visage viticole de Châteaumeillant.
Ce cépage, moins productif qu’en d’autres régions, ne donne sur ces terres que de 35 à 45 hl/ha en général (INAO). Un chiffre modeste qui explique le faible volume global de l’appellation et, aussi, la vigueur de l’engagement qualitatif au Domaine Goyer.
Peut-on imaginer demain d’autres cépages sur ces terres ? Les discussions commencent à poindre dans les conseils de vignerons quant à la résistance du Gamay et du Pinot noir au réchauffement climatique. Mais pour l’heure, la volonté de préserver l’identité du vin gris et des rouges de Châteaumeillant prévaut largement.
Au domaine Goyer, l’attachement à ce duo Gamay-Pinot noir s’inscrit dans une dynamique de valorisation du patrimoine local, à mille lieues des modes passagères. C’est la rencontre de la générosité du fruit et de la tension ligérienne, unique en France selon les amateurs pointus. Le Domaine Goyer, par sa fidélité à l’âme du terroir, honore une tradition exigeante, loin des feux de la mode et des excès de la variété.
Pour qui souhaite découvrir autrement le Val de Loire — du côté du Berry —, le détour par Châteaumeillant et le Domaine Goyer s’impose. Au cœur des vins tranquilles, la simplicité d’un cépage peut être la signature la plus bouleversante.