Michel Gendrier : une présidence engagée pour Cheverny et Cour-Cheverny

24 juin 2025

Une passation symbolique sur un vignoble en pleine effervescence

Au gré des méandres de la Loire et des forêts de Sologne, les appellations Cheverny et Cour-Cheverny incarnent une Loire confidentielle, à la fois authentique et singulière. Début 2024, Michel Gendrier a succédé à Maurice Mansard comme président des deux AOC* (sources : Vitisphere). Cette nomination ne résonne pas seulement comme une passation administrative, mais pose d’emblée la question de l’avenir et de la visibilité de ces deux terroirs encore méconnus du grand public.

Dans une région mosaïque, où le Chenin, le Sauvignon et le Romorantin tressent ensemble l’histoire d’une viticulture ligérienne à la fois fière de ses traditions et avide d’expérimentations, l’élection de Michel Gendrier marque un évènement. Homme de conviction, à la tête du Domaine des Huards, il incarne le retour du vin vivant, le respect du sol et l’attachement à la typicité comme réponse aux enjeux contemporains.

Michel Gendrier : portrait d’un vigneron ligérien engagé

Michel Gendrier n’est pas un nom anodin pour qui sillonne le Val de Loire. Issu d’une famille de vignerons depuis 1846, il perpétue, avec passion et sens du détail, la tradition du Domaine des Huards à Cheverny. Ici, l’agriculture biologique est bien plus qu’un argument marketing : converti dès 1996, en biodynamie certifiée Demeter depuis 1998, le domaine fut l’un des tout premiers du secteur à s’engager dans cette voie* (source : Domaine des Huards). Michel Gendrier parle volontiers de cette philosophie qui plonge ses racines dans le respect du sol, de la faune, de la flore et de l’équilibre microbien.

  • 23 hectares de vignes en propriété
  • Majorité de cépages indigènes : Pinot Noir, Gamay, Romorantin, Menu Pineau
  • Production annuelle : environ 120 000 bouteilles

Son engagement ne s’arrête pas à ses propres rangs de vignes : Michel Gendrier fut créateur (et longtemps président) du Syndicat Romorantin, ce cépage unique, dont la plupart des ceps du monde sont implantés ici, à Cour-Cheverny. Il s'est également fortement investi dans les structures collectives, la défense du terroir et la valorisation de la viticulture ligérienne au-delà des frontières régionales (sources : Le Point, Guide RVF).

Cheverny et Cour-Cheverny : deux appellations, deux personnalités

Comprendre le territoire que Michel Gendrier préside aujourd’hui, c’est accepter la complexité de deux AOC voisines et pourtant contrastées, qui évoluent à la charnière de la Touraine et de la Sologne.

Cheverny : fraîcheur, diversité et originalité

  • Création : 1993
  • Superficie : environ 500 hectares
  • Communes : 24 dans le Loir-et-Cher
  • Production annuelle : 30 000 hectolitres (source : Interprofession des Vins du Centre-Loire)
  • Cépages emblématiques : Sauvignon blanc, Chardonnay pour les blancs ; Pinot Noir, Gamay, parfois Cabernet Franc pour les rouges et rosés

Cheverny est d’abord une appellation de grande fraîcheur, de vivacité, de fruits. Les vins blancs, largement dominés par le Sauvignon, séduisent par leur finesse, leur acidité naturelle et leur expression florale. Les rouges et rosés, plus confidentiels, s’attachent à assembler Pinot Noir et Gamay : une alliance qui confère une légèreté, une dimension gouleyante, rare ailleurs en Loire.

Cour-Cheverny : l’unicité du Romorantin

  • Création : 1997
  • Superficie : moins de 50 hectares
  • Production annuelle : environ 2 500 hectolitres
  • Cépage unique : Romorantin, planté exclusivement sur l’aire géographique de l’AOC

Cour-Cheverny, c’est la singularité absolue du Romorantin, cépage rapporté de Bourgogne par François 1er en 1519, qui n’a survécu qu’ici : selon les dernières estimations, l’appellation représente 99% du Romorantin mondial (source : Revue du Vin de France, Union des Vignerons de l’AOC Cour-Cheverny). Le vin, nerveux, généreux en matière, brille tant par sa longévité que par sa palette aromatique insolite : agrumes, coing, épices blanches complétées, avec le temps, par des nuances miellées et des notes de pâte de fruits.

Les enjeux d’aujourd’hui : climat, marché, identité

Si Michel Gendrier prend la tête des deux appellations, c’est dans un contexte où la Loire doit constamment redoubler d’effort pour s’affirmer sur un marché ultra-concurrentiel, en même temps qu’elle affronte les incertitudes du climat.

Adapter le vignoble au changement climatique

  • Gelées de printemps récurrentes: l’épisode de 2021 a anéanti plus de 80% de la récolte sur certaines parcelles de Cheverny et Cour-Cheverny (sources : France 3 Centre-Val de Loire, Viticulture Ouest)
  • Précocité des vendanges: les vendanges du Romorantin s’effectuent désormais mi-septembre, alors qu’elles avaient lieu fin septembre il y a vingt ans
  • Expérimentation de porte-greffes et gestion parcellaire: sous l’impulsion de vignerons comme Michel Gendrier, la recherche de porte-greffes résistants à la sécheresse et une meilleure adaptation des pratiques culturales s’accélèrent

Développer la notoriété et la valorisation des appellations

Avec moins de 100 producteurs regroupés sur les deux appellations, Cheverny et Cour-Cheverny souffrent encore d’un déficit d’image sur le plan national et export. Seule une structure collective solide et offensive peut espérer inverser la tendance :

  1. Actions de communication : nouveaux outils de promotion à destination du grand public, participation accrue aux salons internationaux, journées de découverte en restauration
  2. Soutien à l’œnotourisme : Montée en gamme des lieux de dégustation, circuits thématiques “Romorantin” et “Cheverny rendu à vélo”, développement des hébergements
  3. Synergie avec le château de Cheverny : le site classé, partenaire historique, attire plus de 400 000 visiteurs/an, formidable levier pour guider les amateurs vers les vins locaux

Maintenir l’identité ligérienne face à la standardisation

Pour Michel Gendrier, le défi est de conserver l’âme des vins. Face à la pression des styles internationaux (boisé, élevages lourds, variétés plus faciles…), il rempile sur la défense de la typicité et de la minéralité ligérienne. Les assemblages stricts (Pinot Noir + Gamay en rouges/rosés, Sauvignon en dominant en blanc) restent la marque de Cheverny, tout comme la pureté du Romorantin à Cour-Cheverny, cépage sans équivalent.

Les ambitions de Michel Gendrier : une présidence sous le signe de la transmission

L’arrivée de Michel Gendrier à la présidence ne doit rien au hasard. À 67 ans, il est à la croisée d’une génération pionnière du bio et d’une relève en quête de territoire à défendre.

  • Transmission des savoirs : création de formations techniques internes destinées aux jeunes vignerons, encouragement à l’installation
  • Développement de la recherche : encouragement aux essais de sélections clonales de Romorantin, implication dans le suivi “longue durée” des microclimats locaux
  • Cohésion entre domaines historiques et nouveaux venus : Michel Gendrier agit pour la mutualisation du matériel, la dynamique des groupements d’achats et l’ouverture aux petites structures

Défendre ce patrimoine, c’est tisser un lien entre passé et avenir. Lorsque l’on marche entre les rangs centenaires de Romorantin au lever du jour, chaque feuille, chaque baie raconte une histoire. Michel Gendrier entend que celle-ci se poursuive : “Le terroir n’est pas figé, c’est une matière qui s’invente chaque année”, aime-t-il à rappeler lors des réunions syndicales.

Cheverny et Cour-Cheverny : l’élan ligérien d’une Loire plurielle

Réunies sous une bannière commune, Cheverny et Cour-Cheverny incarnent aujourd’hui un double visage de la Loire : l’accessibilité, la fraîcheur, la paix des rouges et blancs gourmands pour Cheverny ; la rareté et le complexe Romorantin pour Cour-Cheverny. Les défis sont nombreux, mais l’énergie de la nouvelle présidence pourrait bien faire entrer ces terroirs dans une nouvelle ère de rayonnement.

À l’ombre des grands châteaux, entre landes, étangs et sables, le vignoble ligérien fourmille de ces acteurs discrets qui œuvrent à sa visibilité, à sa survie et à l’éclosion de vocations nouvelles. L’histoire ne fait que commencer… 

  • Sources principales : Vitisphere, France 3 Centre-Val de Loire, Domaine des Huards, Guide RVF, Union des Vignerons de l’AOC Cour-Cheverny.

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